Djerba boit la tasse
- Jacques Bleuze
- 11 août 2021
- 3 min de lecture

2021, une marée noire : là où on comptabilisait près de 1,5 million de visiteurs sur l'île en 2019, ils sont moins de 200 000 cette année
Au total, 180 000 visiteurs ont fréquenté l'île de Djerba de janvier à juillet 2021, selon des chiffres communiqués par le commissariat régional au Tourisme. Ce qui représente quelque 60 % de pertes en fréquentation de vacanciers par rapport à 2020.
« C’est la pire année (...) », confie le vice-président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH). « Je n'ai jamais vu ça ! », confirme un commerçant de Houmt Souk, la capitale administrative de l'île. Si la boutique, située au cœur de Djerba, reste ouverte « pour ne travailler qu'un jour sur dix » c'est grâce à la solidarité familiale installée en France.
Des chiffres divisés par trois
L'île et ses environs (Zarzis) compte pas moins de 160 000 habitants. En 2019, près de 10 % de la population vivaient directement du tourisme en Tunisie (17 % du PIB) et 23 % de façon indirecte. Sur les six premiers mois de l'année 2021, les chiffres sont divisés par trois, selon le commissariat régional au Tourisme.
Le nombre de demandeurs d'emploi explose et les plus jeunes (sans diplôme) tente l'aventure en Europe par la mer afin de rejoindre l'île de Lampedusa (Italie), souvent sans succès.
Plus que la cirse sanitaire de la Covid-19 qui a eu raison du tourisme, secteur vital en Tunisie, la crise sociale et politique ont creusé le chenal, et envoyé des milliers de personnes boire la tasse et ne jamais réapparaître.
« Ennahdha n'a rien fait pour le tourisme »
L'île de Djerba, comme plus globalement le sud de la Tunisie, est aux mains du parti islamiste Ennahdha au pouvoir depuis la Révolution du Jasmin en 2011. « Ennahdha n’a rien fait pour le tourisme et a toujours été hostile à cette industrie. L’État n’a pas voulu investir et le tourisme en Tunisie s'est effondré », constate amer le directeur d'un important groupe touristique tunisien.
« Il faut saisir cette opportunité pour changer de modèle », préconise ce professionnel du tourisme. « Il faut proposer moins de formules all-inclusive (...) Se tourner aussi vers le camping et le tourisme éco-responsable et durable. »
Bientôt un label « Djerba Safe »
Sur les 139 hôtels recensés à ce jour sur l'île - dont une majeure partie sont à rénover ou en cours de réhabilitation -, seuls 64 % d'entre eux sont actuellement en activité. La perspective du Sommet de la Francophonie (20 et 21 novembre 2021) qui doit se tenir à Djerba incite les autorités locales à relever les manches pour remettre au propre une île rongée par les déchets sauvages et revoir les infrastructures routières (à ce titre, les rues de Houmt Souk bénéficient d'un revêtement neuf...)
Concernant le volet sanitaire, la Tunisie souhaite à cette occasion proposer aux touristes un label « Djerba Safe ».
Le chemin vaccinal risque d'être encore long : au 6 août 2021, seuls 8 % de la population (12 millions d'habitants) disposaient d'un schéma vaccinal complet et moins de 15 % avaient reçu une première dose.
« Maintenir en vie le sens de l'accueil »
Pour les Tunisiens - Sommet (ou pas) de la Francophonie -, ce qui est prioritaire c'est de « maintenir en vie le sens de l'accueil ». Beaucoup ont abandonné l'idée, en maintenant les invitations « à louer » ou « à vendre » au fronton de leurs échoppes. Certains se sont reconvertis dans l'agriculture : « J’ai donné de l’eau à mes plantes, je les ai taillées, je les ai suivies. Voilà pourquoi elles me donnent tant. Depuis la révolution, on n'a rien investi dans le peuple ni dans le pays ? C'est pour cela qu’aujourd'hui on n’a rien ! »
Jacques BLEUZE
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