Quinze ans de vie sous terre
- TUNIS
- 2 mars 2018
- 2 min de lecture

Après avoir vécu reclus pendant 15 ans dans une grotte, un quinquagénaire est ramené à la vie. Son village et une association se mobilisent
« C'est mon frère, et je ne vais pas l'abandonner ! », répète à l'envi Fati (*), la sœur de Mohamed. L'homme âgé d'une cinquantaine d'années vivait reclus depuis quinze ans dans l'obscurité d'une grotte de la région de Beni Khedech (Medenine, sud-est Tunisie).
Lors de sa découverte vendredi 2 mars 2018, le quinquagénaire ne pesait plus que 10 kg. Très affaibli, impotent, quasi-aveugle, et ne s'exprimant que par des cris sourds, l'homme a été pris en charge dans la journée de samedi 3 mars 2018 par les autorités sanitaires tunisiennes, et conduit dans un institut spécialisé de la capitale, où il a reçu des soins d'urgence.
« De l'aide de personne ! »
« J'ai pris soin de lui. Je l'ai changé dans la chambre lorsqu'il est sorti de son trou (...) », raconte Fati. « Je fais avec mes simples moyens ! », s'excuse-t-elle. « Ce sont les seuls moyens (financiers, NDLR) dont je dispose. Je ne peux pas faire plus (...) Malgré mes demandes répétées, personne ne nous est venu en aide ! Personne n'est venu chez nous ! », regrette Fati.
Vendredi 2 mars 2018, Mohamed est découvert au fond d'une grotte. Il est aussitôt pris en charge et conduit a l'hôpital local en observation, afin d'établir un diagnostic précis. Le quinquagénaire serait atteint de « troubles neurologiques graves » et de « dégénérescence mentale irréversible », selon une source hospitalière.
ll sera orienté dès le lendemain vers un service hospitalier spécialisé, à Tunis.
« J'ai été choqué (...) »
Le président de l'Association pour le développement de la région de Beni Khedeche, Mabrouk Khachroufi, est intervenu personnellement dans le dossier afin de venir en aide à cet homme et d'organiser sa prise en charge médicale devenue une urgence vitale. « J'ai été choqué de voir les images de cet homme réduit à l'état d'animal pendant autant d'années », témoigne Mabrouk Khachroufi. « Il était urgent de le prendre en charge d'un point de vue sanitaire. »
« Nous n'avons pas attendu la réaction des autorités pour intervenir. Les représentants du ministère tunisien des Affaires sociales sont restés sourds (...) Maintenant, la question est de permettre à la famille d'occuper une habitation digne de ce nom », poursuit-il.
Dans l'après-midi du vendredi 2 mars 2018, le quinquagénaire a été pris en charge par une ambulance et conduit dans un établissement sanitaire de Tunis, à l'Institut national de nutrition, après l'intervention des hautes autorités gouvernementales, notamment du ministre tunisien des Affaires foncières, Mabrouk Kourchid.
« Pas de moyens pour les faire soigner ! »
Pour la sœur de Mohamed, mère de trois enfants - atteints eux-aussi d'une pathologie neurologique et d'un handicap mental -, il n'est plus possible de les faire soigner gratuitement. Les médicaments disponibles en Tunisie coûtent trop cher, et la famille n'a pas les moyens de payer.
« Je demande juste que mes enfants aient la possibilité d'être soigné, car ils sont tous les trois malades. Un d'entre eux a séjourné à plusieurs reprises à l'hôpital de Sfax. Aujourd'hui, je n'ai pas les moyens de le faire soigner (...) »
(*) Le prénom a été volontairement modifié.

H.B. / A.B.
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