Retraite dorée
- Jacques Bleuze
- 26 janv. 2021
- 3 min de lecture

Derrière les façades des hôtels de luxe et les palaces sans touristes, il existe un business qui rapporte gros. Le Grand-Âge et la dépendance
Derrière les façades des hôtels de luxe et autres palaces sans touristes depuis 2014, et l'arrivée de la pandémie en novembre 2019, se cache un business qui rapportent gros. Le marché de la retraite pour Français dépendants et familles argentées, voire fortunées, prospère. La côte est de la Tunisie et ses stations balnéaires (Hammamet, Sousse, Monastir) boudée par le tourisme européen depuis la Révolution du Jasmin et les divers attaques terroristes qui ont secoué le pays depuis 2015 - la dernière a été perpétrée le 20 décembre 2020, dans la région de Kasserine (nord-ouest), conduisant à la mort d’un berger - ressemble à un décor de cinéma des années 80/90, aux belles heures du tourisme de masse.
Tout compris... sauf la mort
À Hammamet, il ne reste que trois hôtels en activité sur les 40 établissements recensés à ce jour. Ils ont été investi par un promoteur français afin de les réhabiliter (pour moitié) en Établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (Éhpad). Une opération très lucrative qui connaît un succès exponentiel auprès de la génération concernée (+ 80 ans).
Pour un budget all-inclusive de 3 000 €/mois et par personne en établissement 5 étoiles (services offerts : coiffure, manucure, activités sportives adaptées, sorties, accompagnement au quotidien, surveillance médicale 24h/24...), les retraités français dépendants y trouvent une fin de vie dorée.
La vie est belle, le rester a un prix. Mourir, d'accord ! Sans assurance... c'est plus compliqué.
Reste à prévoir les faux-frais, imprévus et reste à charge - en cas de décès -, notamment le rapatriement du corps en France. Principalement lors d'une crémation - illégale en Tunisie. Dans ce cas, il en coûte 8 000 € supplémentaires pour la conservation du corps (6 mois) dans un cercueil en zinc avant le transfert de l'autre côté de la Méditerranée...
La station balnéaire pour (très) vieux
À ce tarif, tout est compris à Hammamet. Même l'aide-soignante personnelle et personnalisée (voire personnalisable). C'est là où le bât blesse. Et que l'ardoise est moins verte. La jeune diplômée de 23 ans, à qui on a fait miroiter une vie meilleure, est payée 230 € (759 TND) nets mensuel pour un travail effectif de 52 h/semaine (4j/7). Elle enchaîne quatre journées consécutives de 13 heures. Elle dort sur place dans une unité réservée de l'hôtel, à trois par chambre. C'est sans parler des congés payés... La demande est forte surtout lorsque le salaire mensuel correspond à près de deux fois le Smic en Tunisie (125 €/412 TND). Toutefois, le personnel manque à l'appel. Ces jeunes femmes âgées de 18 à 25 ans, sans diplôme, recrutées sur leur aspect physique, doivent suivre une formation partielle : maîtrise de la langue française et de l'histoire-géographie hexagonale...
À ce jour, elles sont une centaine à avoir signé un CDI + 13e mois. Trois cents restent encore à recruter.
L'addition, s'il vous plaît !
Si la cantine semble plus attractive en Éhpad tunisien que celle proposée en France, il n'y a pas de quoi de se « taper le ventre ». Au menu : pizza margarita ou nouilles au poulet (parmi les cinq plats proposés). Sorbet citron, tiramisu ou fruits de saison en dessert. Amuse-bouche et entrée « copieuses ». On a testé en version traditionnelle le même établissement (en simple visiteur) : l'addition (et le reste) est plus digeste : 37 € (12 TND) la nuit, et 25 € (8 TND) le buffet (hors boisson).
Qui paye la différence ? Les vieux ! Et ils n'ont pas fini de redresser les comptes du tourisme tunisien.
En attendant, nous, on cotise. Et le personnel soignant trinque...
Jacques BLEUZE
Commentaires